Fiche Technique : Le Moteur Asynchrone (MAS)
Cette fiche synthétise la modélisation du moteur asynchrone en régime permanent, avec un focus sur le modèle simplifié (pertes et fuites statoriques négligées).
1. Origine du Modèle Équivalent
Le moteur asynchrone fonctionne comme un transformateur à champ tournant.
- Stator (Primaire) : Alimenté à la fréquence \(f\) (pulsation \(\omega\)).
- Rotor (Secondaire) : En court-circuit, il tourne à la vitesse \(\Omega\). Les courants y sont induits à une fréquence différente : \(f_r = g \cdot f\) (où \(g\) est le glissement).
Problème : On ne peut pas associer directement des circuits ayant des fréquences différentes.
Solution : On ramène le rotor à l'arrêt mathématiquement.
- Au rotor réel, la réactance dépend de \(g\) : \(X_r = L_r \cdot (g\omega)\) où \(\omega = 2\pi f\) est la pulsation électrique du réseau (et non la vitesse mécanique \(\Omega\)).
- L'équation de maille rotorique est : \(E_{induit} = R_r I_r + j(L_r g \omega) I_r\).
- On divise tout par \(g\) pour se ramener à la fréquence du stator :
Cela revient à dire que le rotor se comporte comme un circuit fixe (fréquence \(\omega\)) mais avec une résistance variable \(R_r/g\).
Une fois ramené au stator (via le rapport de transformation), on obtient le modèle en "T".
Ramènement des grandeurs rotoriques au stator
Principe : Le moteur asynchrone fonctionne comme un transformateur avec un rapport de transformation :
où \(N_s\) et \(N_r\) sont les nombres de spires par phase au stator et rotor.
Formules de ramènement :
- Résistance : \(R'_r = m^2 \cdot R_r\)
- Inductance : \(L'_r = m^2 \cdot L_r\)
- Courant : \(I'_r = \frac{I_r}{m}\)
Mesure pratique sur MAS a rotor bobine :
- Mesurer la resistance rotorique : Resistance entre 2 phases du rotor a l'arret
- Trouver le rapport de transformation : Essai a vide avec rotor en circuit ouvert
- Calculer les valeurs ramenes au stator :
Exemple numerique : Si \(R_{mesuree} = 0.4\) ohms et \(m = 3\) :
Essais normalises pour MAS a cage (rotor non bobine)
Pour un moteur a cage d'ecureuil, on utilise deux essais normalises pour determiner tous les parametres :
A. Essai a vide
Conditions : Moteur alimente a tension nominale, rotor libre (pas de charge)
Mesures :
- \(U_0\) : Tension nominale (V)
- \(I_0\) : Courant a vide (A)
- \(P_0\) : Puissance active a vide (W)
Calculs :
- Facteur de puissance : \(\cos \phi_0 = \frac{P_0}{\sqrt{3} \cdot U_0 \cdot I_0}\)
- Resistance statorique : Mesure directe DC entre 2 phases : \(R_s = \frac{R_{mesuree}}{2}\)
- Reactance magnetisante (approximation) : \(X_m \approx \frac{U_0}{\sqrt{3} \cdot I_0}\)
- Pertes a vide : \(P_0 = P_{fer} + P_{mecaniques} + 3 R_s I_0^2\)
Explication de l'approximation \(X_m\) :
A vide, le courant est principalement reactif car :
- Courant actif faible : \(I_{actif} = \frac{P_0}{\sqrt{3} \cdot U_0}\) (pertes seulement)
- Courant reactif dominant : \(I_{reactif} >> I_{actif}\) (magnetisation)
Donc : \(I_0 \approx I_{reactif} = \frac{U_0}{\sqrt{3} \cdot X_m}\)
Formule exacte : \(X_m = \frac{U_0}{\sqrt{3} \cdot \sqrt{I_0^2 - I_{actif}^2}}\)
En pratique, \(\cos \phi_0 \approx 0.1\) a \(0.2\), donc l'approximation est excellente.
B. Essai rotor bloque (court-circuit)
Conditions : Rotor bloque mecaniquement, tension reduite pour limiter le courant
Mesures :
- \(U_{cc}\) : Tension reduite (V)
- \(I_{cc}\) : Courant de court-circuit = courant nominal (A)
- \(P_{cc}\) : Puissance active (W)
Calculs :
- Impedance totale : \(Z_{cc} = \frac{U_{cc}}{\sqrt{3} \cdot I_{cc}}\)
- Resistance totale : \(R_{cc} = \frac{P_{cc}}{3 \cdot I_{cc}^2}\)
- Reactance totale : \(X_{cc} = \sqrt{Z_{cc}^2 - R_{cc}^2}\)
C. Determination des parametres ramenes
Hypotheses de repartition :
- \(R'_r = R_{cc} - R_s\) (resistance rotorique ramenee)
- \(X'_r = X_s = \frac{X_{cc}}{2}\) (reactances de fuite egales)
- \(L'_r = \frac{X'_r}{\omega}\) (inductance rotorique ramenee)
Rapport de transformation (indirect) :
Le rapport \(m\) n'est pas calcule directement, mais on obtient directement \(R'_r\) et \(L'_r\) ramenes au stator.
Exemple numerique :
Essai a vide : \(U_0 = 400V\), \(I_0 = 2A\), \(P_0 = 200W\)
Essai rotor bloque : \(U_{cc} = 100V\), \(I_{cc} = 10A\), \(P_{cc} = 800W\)
- \(R_{cc} = \frac{800}{3 \times 10^2} = 2.67 \Omega\)
- \(Z_{cc} = \frac{100}{\sqrt{3} \times 10} = 5.77 \Omega\)
- \(X_{cc} = \sqrt{5.77^2 - 2.67^2} = 5.12 \Omega\)
- \(R'_r \approx \frac{R_{cc}}{2} = 1.33 \Omega\) (si \(R_s\) negligeable)
- \(X'_r = \frac{X_{cc}}{2} = 2.56 \Omega\)
2. Le Modèle Simplifié (Hypothèse de Kapp)
Hypothèses de simplification :
On néglige la résistance du stator (\(R_s \approx 0\)) et les inductances de fuites statoriques (\(l_s \approx 0\)).
Conséquences sur le schéma :
- La chute de tension au stator est nulle.
- La tension d'alimentation simple \(V\) se retrouve directement aux bornes de la branche magnétisante et de la branche rotorique.
- Le calcul des courants devient très simple (diviseur de courant ou loi d'Ohm directe).
Paramètres du schéma simplifié (par phase) :
- \(V\) : Tension simple du réseau.
- \(R'_r\) : Résistance rotorique ramenée au stator.
- \(L'_r\) : Inductance de fuite rotorique ramenée au stator (réactance \(X = L'_r\omega\)).
- \(g\) : Glissement.
3. Démonstrations des Puissances et du Couple
Soit \(I'_r\) le courant traversant la branche rotorique.
L'impédance de cette branche est : \(Z_r = \frac{R'_r}{g} + j L'_r \omega\).
Le module du courant rotorique est donc (Loi d'Ohm) :
A. Puissance Transmise au Rotor (\(P_{tr}\))
C'est la puissance active traversant l'entrefer. Elle est consommée par la partie résistive de l'impédance rotorique totale (\(\frac{R'_r}{g}\)).
Pour 3 phases :
B. Pertes Joules Rotor (\(P_{jr}\))
C'est la puissance réellement dissipée en chaleur dans la résistance du rotor.
Relation fondamentale :
En comparant \(P_{tr}\) et \(P_{jr}\), on voit immédiatement que :
C. Puissance Électromagnétique (\(P_{em}\))
C'est la puissance convertie en puissance mécanique (avant pertes mécaniques). D'après la conservation de l'énergie au rotor :
D. Couple Électromagnétique (\(T_{em}\))
Le couple est le rapport de la puissance sur la vitesse de rotation.
- Vitesse du champ tournant : \(\Omega_s = \omega / p\).
- Vitesse du rotor : \(\Omega = \Omega_s (1-g)\).
En remplaçant \(P_{tr}\) par son expression et \(I'_r\) par sa valeur calculée plus haut :
On obtient la formule finale du couple :
4. Points de Fonctionnement Caractéristiques
A. Courant de Démarrage (\(I_{dem}\))
Au démarrage, la vitesse est nulle (\(n=0\)), donc le glissement \(g = 1\).
On reprend l'expression du courant \(I'_r\) :
Note : Comme \(L'_r \omega\) est souvent bien plus grand que \(R'_r\), le courant de démarrage est purement inductif et très élevé (4 à 8 fois le nominal).
B. Couple Maximum (\(T_{max}\))
Pour trouver le couple maximal, on cherche la valeur de \(g\) qui annule la dérivée de la fonction \(T_{em}(g)\), ou plus simplement par adaptation d'impédance.
Le couple est maximal lorsque la partie résistive (\(\frac{R'_r}{g}\)) égale la partie inductive (\(L'_r \omega\)) en module.
Glissement au couple max :
Valeur du Couple Max :
On réinjecte \(g_{max}\) dans la formule du couple. Le terme au dénominateur devient \(2(L'_r\omega)^2\).
Observation importante : Le couple maximal ne dépend pas de la résistance rotorique \(R'_r\). Augmenter la résistance rotorique (ex: rhéostat) déplace le \(g_{max}\) vers 1 (utile au démarrage) mais ne change pas la valeur de crête du couple.